Pourquoi l’opposition crie au déni de démocratie dans cette réforme des retraites ?
On le dit isolé… Dans son « obsession » à faire passer la réforme des retraites, contre l’avis de millions de Français qui n’hésitent pas à le faire savoir dans la rue, depuis plusieurs mois déjà, Emmanuel Macron persiste. L’article 1 de la proposition de loi du groupe Liot, dont tout l’objet est d’abroger ladite réforme, vient d’être supprimé en commission par la majorité présidentielle. Une décision qui a mis en lumière l’usage de l’article 40 de la Constitution, qui traite de la recevabilité financière des propositions de loi… L’opposition n’abandonne pas la lutte pour autant.
« Déni de démocratie parlementaire »
Le constitutionnaliste Dominique Rousseau estime qu’il y a un « déni de démocratie parlementaire », et il n’est pas le seul à le penser. En cause, le recours à l’article 49.3 de la Constitution, pour un passage forcé de la très controversée réforme des retraites à l’Assemblée (à ce sujet Philippe Sauvannet a écrit un très bon article sur le 49.3). A l’heure où Olivier Dussopt, ministre du Travail défendait la manœuvre, l’opposition et l’intersyndicale crient au déni de démocratie. Mais pour Rousseau, ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature et professeur de droit constitutionnel à Paris I Panthéon Sorbonne, l’exécutif vit une véritable crise constitutionnelle, dont la seule voie d’issue est un référendum ou une dissolution de l’Assemblée nationale.
L’article 40 au centre des débats
Si la récente polémique sur la réforme des retraites a une vertu, c’est certainement celle de démystifier la Constitution pour la majorité des Français. Après la mise en avant des articles 47.1, 44.2, 44.3 et 49.3, c’est maintenant au tour de l’article 40 de susciter le débat. Il sera d’ailleurs discuté le 8 juin lors de la présentation à l’Assemblée Nationale de la proposition de loi du groupe Liot, qui cherche à abroger la réforme des retraites.
Mais il y a anguille sous roche… Nous vous le disions, cette proposition a été largement modifiée lors de son examen en commission le 31 mai, avec la suppression par la majorité présidentielle de son article 1, qui envisageait de renverser le passage de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Les députés du groupe Liot, appuyés par la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (Nupes), le Rassemblement National et une fraction des Républicains, se voient donc dans l’obligation de réintroduire cet article, sous la forme d’un amendement le 8 juin. Cette manœuvre est nécessaire pour permettre le vote de leur proposition de loi, symbole d’une Assemblée Nationale en désaccord avec la réforme des retraites.
C’est à ce point précis que la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, devrait intervenir. « Je prendrai mes responsabilités », a-t-elle déclaré, sous-entendant ainsi qu’elle jugerait cet amendement non recevable en vertu de l’article 40 de la Constitution. Pour rappel, cet article stipule que les propositions de loi et les amendements proposés par les parlementaires ne peuvent pas entraîner une réduction des recettes ou une augmentation des charges publiques. Cela dit, comme c’est souvent le cas avec la Constitution, il y a une différence entre la lettre et l’esprit de la loi. C’est en substance ce que déclare Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste et maîtresse de conférences en droit public à l’Université de Rouen. Selon elle, il existe « des arguments de raison » des deux côtés, que ce soit de la part de la majorité présidentielle ou de l’opposition.