Le « jardin punk », ou quand Eric Lenoir révolutionne le jardinage
« Je veux que ce jardin soit un élargissement du champ des possibles ! » Voici, en peu de mots, la vision et la volonté qui animent Eric Lenoir, le paysagiste à l’origine du « jardin punk », son jardin d’un hectare pas comme les autres… Pas comme les autres car Eric ne l’arrose quasiment jamais, et ne l’entretien que 5 jours par an. Et pourtant, le résultat est là, visible à l’œil nu ! Eric Lenoir est aussi l’auteur d’un livre, « Petit traité du jardin punk ». Découverte d’un paysagiste iconoclaste !
Un défi écologique relevé par paysagiste pas comme les autres
« L’arrosage dans ce jardin, c’est zéro. En onze ans, il y a eu seulement quatre arrosoirs distribués », déclare fièrement Eric Lenoir à Brut, en plein cœur de son jardin en Bourgogne. Et pourtant, le spectacle est saisissant : au jardin du Flérial, près d’Auxerre, les plantes et fleurs foisonnent, toutes plus luxuriantes les unes que les autres. Ici, un rosier éclatant de roses rouges, là, un tapis vibrant de fleurs de coucou… Depuis 2012, Eric Lenoir cultive ce coin de verdure hors du commun, inspiré par l’esprit « punk » emprunté à un jardinier amateur rencontré par hasard. « Pour moi qui me reconnais dans cette culture, ces deux mots accolés ont sonné comme une évidence », confie-t-il à Geo.fr. Avec cette approche, il a enfin mis des mots sur une philosophie qu’il appliquait instinctivement depuis des années, redéfinissant à l’occasion les codes du jardinage traditionnel !
Le jardin punk, une nouvelle vision du paysagisme signée Eric Lenoir
Qu’est-ce que le jardin punk ? Pour Eric Lenoir, paysagiste formé aux techniques classiques du métier en région parisienne, c’est une véritable révolution du jardinage. Lassé par une approche trop « conventionnelle, esthétisante et interventionniste », comme il le confie à Geo.fr, il a voulu casser les codes : moins de taille, moins d’entretien, plus de nature spontanée. Sa vision ? Un jardin qui s’inspire des milieux sauvages et de l’écologie urbaine, tout en conservant un sens esthétique.
« Je n’ai pas inventé le jardin punk, je l’ai défini. Plein de gens faisaient un jardin punk sans le savoir, et moi non plus avant d’écrire “jardin punk” », explique-t-il à Brut. Son ouvrage, Petit traité du jardin punk, détaille ce concept « radical et provocant ». Pour Lenoir, il s’agit d’accueillir la biodiversité au maximum, de minimiser les interventions humaines, et de créer un impact écologique positif, tout en dessinant un jardin qui soit à la fois beau et résistant aux agressions extérieures.
Accessible à tous, quelle que soit l’expérience ou les ressources, le jardin punk se veut simple, peu coûteux et rapide à mettre en place. « Apprenez à le gérer en restant fainéant, rebelle, fauché et écolo », conseille l’éditeur du traité. En pratique, cela signifie seulement cinq jours de travail par an. Pour Eric Lenoir, c’est aussi une façon de répondre aux sceptiques : « C’est l’histoire d’un mec qui en a marre qu’on lui dise que ce n’est pas faisable. Je veux que ce jardin soit un élargissement du champ des possibles ». Un jardin qui, loin des idées reçues, s’appuie sur une synergie naturelle où chaque élément stimule l’autre, pour un espace verdoyant et autosuffisant. « Plein de gens pensent qu’il faut désherber, arroser, pour obtenir un résultat satisfaisant. Alors je leur réponds, “t’as déjà vu la nature ?” » Le jardin punk, c’est donc tout le contraire : faire le moins possible pour un maximum d’effet.
Comment créer un jardin punk ? Les clés d’un jardinage minimaliste, mais terriblement efficace !
Faire moins, mais faire juste, voilà l’esprit du jardin punk d’Eric Lenoir. « Parfois, les gens me provoquent en me disant que je ne fais rien », plaisante-t-il. En réalité, son approche est tout sauf paresseuse : « Si je ne fais rien, ça devient un taillis impénétrable qui atteint huit mètres de haut ». Le secret ? Savoir doser ses interventions pour transformer le milieu avec le minimum d’effort. Par exemple, une simple plantation de fleurs de coucou a fini par se disséminer partout d’elle-même, et une prairie pleine de fleurs sauvages n’est jamais fauchée complètement, histoire de laisser la nature suivre son cours sans la laisser devenir incontrôlable.
La clé, selon Eric Lenoir, est d’abord d’observer. « Arrêtez d’entretenir et observez les changements : la faune et la flore naturellement présentes sur le site, les vents dominants, la nature du sol, la direction où coule l’eau… » conseille-t-il. Un jardin ne vit pas en vase clos, il s’inscrit dans un écosystème plus vaste, et ignorer ce fait, c’est comme vouloir gérer une île sans penser à la mer. Au jardin du Flérial, Eric Lenoir a passé un an à observer avant d’intervenir, établissant ensuite ses besoins tout en respectant ceux de la nature.
Une fois cette phase d’observation passée, place aux actions réfléchies. Besoin d’un espace pour se détendre ? On installe quelques meubles. Une allée à dégager pour un passage ? On taille là où c’est nécessaire, quitte à faire intervenir un paysagiste si on est pas capable de le faire soi-même. « J’ai taillé mon rosier à un seul endroit pour pouvoir passer », raconte-t-il. Le jardin punk repose sur l’empirisme : plus on observe, plus on apprend, et mieux on adapte ses actions. Lenoir prône une gestion sans produits chimiques ni machines lourdes, et insiste sur l’acceptation de l’échec, une composante naturelle et inévitable de cette philosophie du jardinage. Bref, créer un jardin punk, c’est savoir s’adapter, respecter le vivant, et surtout, ne pas en faire trop.
L’art de lâcher prise, un nouveau regard sur le jardinage
Vous l’aurez compris, pour Eric Lenoir, le jardinage ne se résume pas à vouloir tout contrôler pour obtenir un espace « propre » et aseptisé. Il s’oppose fermement à ces pratiques qui consistent à raser le terrain et à créer des jardins dépendants des produits chimiques et de l’arrosage intensif. Ce jardinier d’exception a réussi à transformer, en seulement 13 ans, un terrain agricole pauvre et traité de manière conventionnelle en un jardin sauvage riche en biodiversité. Son secret ? « Observer et travailler le moins possible. » Pas d’arrosage, très peu de taille, aucun intrant chimique, même bio. Une approche radicale mais réfléchie, qui vise à créer un jardin résilient, capable de résister à la sécheresse tout en soutenant la biodiversité.
Pour lui, l’idée est de s’adapter au climat changeant, d’économiser les ressources et de préserver la vie sauvage. « Se précipiter est parfois une erreur majeure si l’on souhaite aller au plus simple. La première chose à faire est donc de s’abstenir de faire quoi que ce soit », écrit-il dans son Petit traité du jardin punk. A ses yeux, l’inactivité n’est pas synonyme de passivité ; il existe mille façons d’être efficace sans céder à l’agitation. Une philosophie de jardinage qui invite à repenser notre rapport à la nature, à adopter une approche plus humble et durable, et surtout, à savoir lâcher prise !