A23a, le plus grand iceberg du monde, continue sa dérive en Antarctique
En Antarctique, une expédition privée dirigée par Ian Strachan, avec le soutien de la société EYOS Expeditions, s’est retrouvée face à face avec le colosse des glaces, l’iceberg A23a. Dans cet univers où le blanc règne en maître, l’immensité de cet iceberg, étendu sur 4 000 km² et pesant mille milliards de tonnes, continue sa dérive solitaire, échappant à l’emprise du monde connu.
Ian Strachan, chef d’expédition, naviguait dans un brouillard épais typique des mers antarctiques, conscient de la proximité imminente de ce titan des eaux gelées. « Et puis les nuages se sont dissipés et nous avons vu cette ligne blanche, presque abstraite, s’étendre le long de la ligne d’horizon », se souvient Ian Strachan, marquant sa première rencontre avec l’iceberg.
A mesure que le navire fendait les eaux glacées, de majestueuses crevasses et des arcs bleus, sculptés dans ce mur de glace, se révélaient à eux. Ces formations, parfois érodées par des vagues de quatre mètres, témoignent de la puissance brute et de la beauté saisissante de la nature dans l’un des derniers confins inexplorés de notre planète…
A23a, 40 fois la superficie de Paris !
Nous vous le disions, l’iceberg A23a s’étend sur près de 4 000 km², soit quarante fois la superficie de Paris ! Ce mastodonte des mers, pesant environ mille milliards de tonnes, avec des zones atteignant une épaisseur de 400 mètres, trace désormais son chemin dans les eaux septentrionales de l’océan austral, entre l’île de l’Eléphant et les îles Orcades du Sud.
L’expédition privée de Ian Strachan, organisée par EYOS Expeditions, n’est pas la première à témoigner de cette grandeur naturelle… Auparavant, en décembre, le navire de recherche polaire britannique RRS Sir David Attenborough s’est heurté à ce géant lors d’une mission scientifique en Antarctique. Andrew Meijers, chef de cette expédition, se rappelle de ce « moment magique » face à l’iceberg, dans un décor où le soleil émerge et des orques dansent dans les eaux glaciales. « Il nous a fallu six heures pour le dépasser, à toute vapeur », raconte ce scientifique du British Antarctic Survey.
Mais ce n’est pas juste la taille qui rend A23a aussi remarquable ! En effet, il faut savoir que cet iceberg s’est détaché pour la première fois de la côte antarctique en 1986, le consacrant comme le plus ancien et le plus grand iceberg connu à ce jour. Après avoir été piégé dans les hauts-fonds de l’océan pendant trois décennies, des images satellite captées en 2020 par Andrew Fleming, également du British Antarctic Survey, ont révélé que ce colosse « vacillait ». Libéré finalement à la fin de l’année dernière, A23a a alors commencé son périple vers le nord, poursuivant son voyage à travers les eaux antarctiques.
Dérive du A23a : la question d’un lien avec le changement climatique reste ouverte…
Y a-t-il un lien entre le détachement de l’iceberg A23a et le changement climatique ? C’est la question que se pose la communauté scientifique, à l’heure où la banquise hivernale de l’Antarctique a enregistré un niveau bas record en 2023. Mais pour Andrew Meijers, ce serait comme attribuer un incendie ou une inondation spécifique au réchauffement climatique global… Andrew Fleming, toutefois, nuance en rappelant que la formation d’icebergs de cette ampleur est un processus naturel, avec un ou deux géants de glace se détachant annuellement du continent blanc. « Il est plus probable que son heure soit venue », dit-il, prédisant les derniers mois de cette « grosse bête », qui avance lentement. « Le Titanic aurait eu le temps de la voir venir ».
Pour autant, la responsabilité des croisiéristes reste pleinement engagée… mais certains essayent de faire bouger les chose à l’instar de Ponant, première compagnie à avoir troqué, dès 2019, le fuel lourd pour le LS MGO (Low Sulfur Marine Gasoil) à 0,05 % de teneur en soufre. Qui plus est, en activant en continu leurs systèmes catalytiques, les navires de la compagnie réduisent de 90 % leurs émissions.
Revenons à présent à l’iceberg A23a… Depuis son détachement, il suit un itinéraire similaire à ceux des précédents colosses, A68 et A76, naviguant le long de la péninsule antarctique et la mer de Weddell, dans ce qui est connu comme le « couloir des icebergs ». Selon Andrew Fleming, des eaux plus chaudes et des vagues plus fortes pourraient le briser en cours de route. Et si A23a emboîte le pas de ses prédécesseurs, il pourrait bien se diriger vers l’île de Géorgie du Sud, un sanctuaire pour la faune, notamment les manchots et les phoques. Seul bémol : si l’iceberg venait à stationner près de l’île, il pourrait entraver l’accès des animaux à leurs zones de nourrissage habituelles. Mais ce scénario reste peu probable…
Pour rappel, l’iceberg A68 s’était fragmenté en petits morceaux, compliquant la navigation pour les bateaux de pêche, comme l’explique Andrew Meijers. Il est donc envisageable que A23a continue sa dérive autour de l’île, serpente vers le nord, et finalement fonde dans des eaux plus chaudes, suivant le destin inévitable de tout iceberg qui se dirige dans cette direction.
Un voyage incertain aux répercussions écologiques inattendues
Les chercheurs du British Antarctic Survey envisagent un scénario alternatif pour le voyage de l’iceberg A23a : une remontée jusqu’aux larges de l’Afrique du Sud. Dans cette trajectoire, A23a se transformerait en un véritable défi pour la navigation maritime, avant de finalement fondre et se dissoudre dans les eaux plus chaudes.
Au-delà des risques immédiats que représentent ces monstres de glace pour la navigation, la BBC met en lumière un aspect souvent méconnu, à savoir la contribution écologique des icebergs. En fondant, ces blocs de glace massifs libèrent des minéraux précieux, qui se transforment en nutriments essentiels pour les organismes au début de la chaîne alimentaire. Ces nutriments jouent un rôle vital dans les écosystèmes marins, soutenant la vie depuis ses formes les plus élémentaires. Enfin, bien que la séparation d’A23a de l’Antarctique ne soit pas directement liée au changement climatique, l’augmentation de l’acidité des océans et de la température de l’eau contribue à rendre ces événements plus fréquents.